Dostoievski by Arban Dominique

Dostoievski by Arban Dominique

Auteur:Arban, Dominique [Arban, Dominique]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Documents et essais, Littérature
Publié: 2016-01-03T23:00:00+00:00


Du « Temps » à « l’Époque »

Dès la première année de sa parution, le Temps est un organe de combat – et combattu par d’autres. Ainsi Dostoievski loue le talent d’un débutant, Chedrine, qui devient son adversaire le plus cruel : c’est un grand satiriste et en Russie à cette époque le ridicule aide à tuer : quand le Temps, interdit, reparaîtra sous un autre titre, l’Époque, Chedrine le surnommera le Jupon. « Dostoievski rageait, note Grigorovitch dans ses Mémoires, et ses adversaires riaient – et le rire fut le plus fort (…) Le pauvre Dostoievski souffrait de tout cela profondément. À la fin, il faisait mal à voir : il ressemblait à une bête aux abois qui gronderait encore. »

Mais je crois devoir insister sur un fait : c’est que Dostoievski est journaliste. Journaliste par tempérament. La tour d’ivoire n’est pas son fait. Il ne se situe que par rapport à une donnée sociale, et davantage : il se définit selon les fluctuations de ces données. S’il évolue au cours des vingt années à venir, c’est dans l’affrontement des circonstances. Le fait actuel modifie sa pensée et modifie son œuvre. Écrit dans le sous-sol explosa en réponse au Que faire ? de Tchernychevski et le propos de ses romans fut, dans l’esprit de ses lecteurs, de ses critiques, et dans le sien, une manière d’Actuelles ou de Bloc-Notes. Le reste – le génie – était de surcroît et prisé par peu de lecteurs.

Pourtant sa pensée historique est une mystique, du moins le deviendra de plus en plus. Dolinine a noté avec sa perspicacité coutumière que « Dostoievski fut surtout occupé d’idées dont l’action au cours de l’histoire des hommes est suffisamment tangible et peut être perçue lors de divers moments de leur évolution dialectique intérieure. » Et certes son « commentaire idéaliste de l’histoire (est) lié à sa vision philosophique du monde, si proche du platonisme. » Mais l’évolution de cette pensée ne se soucie jamais de se contredire. Je n’en veux pour exemple que son attitude à l’égard d’un fait essentiel de l’histoire de Russie, d’un point capital de sa vie historique : la Réforme de Pierre le Grand. Elle avait été indispensable mais coûta trop cher. Elle a séparé du peuple les classes cultivées. La nouvelle revue va combattre pour unifier la civilisation avec le « natchalo [22] » populaire. Cela, Dostoievski le proclame en 1861. En 1880, lors du fameux discours Pouchkine, il affirmera qu’il est absurde de croire que la Réforme n’avait été pour nous que prise en charge du costume, des coutumes, des découvertes et de la science européennes. Oui, Pierre le Grand ne l’a conçue d’abord que sur le plan utilitaire peut-être, mais plus tard, en développant son idée, il a certainement obéi à tel instinct secret qui le poussait vers des buts futurs indiscutablement plus vastes que l’utilité immédiate. Et : Le peuple a sûrement pressenti, presqu’aussitôt peut-être, quelque but plus lointain, infiniment plus haut et a reçu et accepté cette Réforme comme sienne.



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